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DISCOURS

Graham Dixon : Radio Days Europe 2020

14 décembre 2020
Graham Dixon : Radio Days Europe 2020

Graham Dixon, responsable de la Radio à l'UER, s'exprime lors du "Déjeuner virtuel de Noël" de Radio Days Europe :

Inutile de le rappeler, nous venons de vivre une année sans précédent. Confinement, deuxième vague, de nouveaux mots se sont ajoutés à notre vocabulaire et notre vie a été chamboulée. Une année de montagnes russes pour beaucoup d'entre nous et pour les médias. 

Je voudrais commencer par évoquer la confiance. Sans confiance, nous sommes perdus ; toute relation humaine repose sur la confiance que nous accordons à l'autre. Il en va de même dans les médias : si le public n'a pas confiance en nous, nous sommes perdus. Heureusement, la radio reste le média qui inspire le plus la confiance. C'est un bon début, mais nous avons d'autres défis à relever. L'impartialité est dans l'ADN des médias publics.  Dans le monde de plus en plus polarisé dans lequel nous vivons, le monde de Trump et du Brexit, une partie du public ne veut plus entendre deux sons de cloche. Malheureusement, certains politiciens cherchent à accentuer et à accroître encore les divisions. On sait que Fox News a perdu son plus fidèle téléspectateur en la personne du président américain. Les écrans de la Maison Blanche diffusent désormais Newsmax, alors que les journalistes de Fox avaient fait preuve d'une certaine indépendance d'esprit.  

La société, et la démocratie même, reposent sur le débat d'idées et la diversité des opinions. La relation des radiodiffuseurs avec leur public doit être suffisamment multiforme pour fidéliser l'auditeur et le téléspectateur, même si nous leur présentons des opinions opposées. En psychologie, on parle de "biais de confirmation". C'est le sentiment de réconfort que nous éprouvons lorsque quelqu'un est d'accord avec nous. Comment maintenir un juste milieu ? Uniquement par la confiance, une confiance suscitée par un large éventail de programmes reflétant les intérêts, les espoirs et les préoccupations de chacun. La radio s'est remarquablement adaptée aux circonstances lors de la première vague de COVID en début d'année, en donnant la parole aux gens ordinaires, en leur apportant un soutien psychologique, en diffusant des informations fiables, mais aussi en offrant des moments de délassement.  

En cinq ans à l'UER, j'ai été impressionné par la rapidité avec laquelle nos Membres ont développé de nouvelles plateformes et des modes d'écoute innovants. Cette créativité, cette réactivité se sont manifestées aussi tout au long de l'année écoulée. Il y a cinq ans, la DAB était au centre de l'attention, puis on est passé au potentiel des appareils à commande vocale, à l'amélioration du podcasting, à l'accès aux archives, aux nouvelles applications offrant d'attrayants suppléments en complément aux programmes en direct. Mais en voiture, la radio peut encore sembler ennuyeuse derrière son écran gris où s'affiche une fréquence, 98.3, qui n'évoque rien. Rien à voir avec le foisonnement d'informations sur Internet. L'expérience radio doit devenir plus attrayante, et cela, de toute urgence.

Je ne suis pas contre les services fournis par Spotify, Apple, et même Netflix en vidéo. Je m'y suis abonné, tout comme vous. Mais ce qui distingue la radio des autres médias, c'est un sentiment profond de lien communautaire. Nous avons besoin d'une production audio locale, régionale et nationale bien financée et capable d'attirer les meilleurs talents créatifs. Il est important de préserver le caractère distinctif du média radio sans le cacher sous des couches intermédiaires, pour nous permettre d'interpréter nos propres expériences de vie.   

J'ai parlé de confiance et de technologie, à quoi j'aimerais ajouter un autre mot commençant par la lettre t, le talent. Même si l'on dispose des techniques de diffusion les plus pointues, sans une programmation convaincante, l'exercice sera inutile. La radio publique, en particulier, a la responsabilité d'explorer le monde et de prendre des risques. Cela vaut autant pour la musique que pour le monde des idées. Mais nous ne saurons refléter toute la diversité de la pensée si les producteurs et les intervenants, ainsi que la direction de nos organismes, ne reflètent pas eux-mêmes la diversité des communautés. C'est là un défi considérable que nous devons relever. Parfois les grands médias audiovisuels ressemblent à des tours d'ivoire aux yeux du monde extérieur. Les radiodiffuseurs doivent donc faire preuve d'imagination en matière de recrutement et s'ouvrir aux meilleurs talents créatifs de tous horizons.    

Dans le passé, avec l'avènement de la télévision, on a prédit la mort de la radio. Un Australien de ma connaissance l'a dit de façon mémorable : la radio, c'est le cafard de la famille des médias. Très difficile à éradiquer, elle survit à presque tout. Média exclusivement sonore, elle tire profit de cette caractéristique, même s'il s'y ajoute aujourd'hui une dimension visuelle ou textuelle. Elle nous aide à passer le temps lors d'un long trajet en voiture et rend la corvée de repassage supportable... La radio est une compagne. Lors du confinement, cet accompagnement devient vital et fait pénétrer le monde extérieur en temps réel dans nos salons, dans nos cuisines. L'extraordinaire succès des podcasts au cours de cette année étrange apporte la preuve que le public prend le temps d'écouter les médias sonores et vit la radio comme une expérience primaire et immersive. C'est très encourageant.   

Cette année encore, la radio s'est révélée être le média le plus fiable, capable de rassembler plutôt que de diviser. Elle a fait preuve d'une grande souplesse. Les gens de radio ont su adapter leur programmation du jour au lendemain à la nouvelle donne, faisant d'une chambre ou d'une cuisine un studio. Cette transformation numérique, répercutée au niveau du contenu, a été source d'inspiration, non pas grâce à des plans stratégiques (aussi importants soient-ils), mais grâce à l'attitude positive des professionnels du secteur.  

Nous vivons dans l'espoir que la situation reviendra à la normale quand la majeure partie de la population se sera fait vacciner. Michael Ryan, de l'OMS, lors d'un événement UER, s'est récemment exprimé au sujet de l'importance du rôle des médias dans la transmission d'un discours raisonné, en particulier pour rassurer la population quant à l'innocuité du vaccin. L'acceptation du vaccin est vitale ; nous avons un rôle à jouer à cet égard, mais en attendant, la radio, et c'est essentiel, doit continuer à élargir nos horizons de pensée, nous aider à préserver notre équilibre mental et même si nous sommes éloignés de nos amis et de notre famille, maintenir un lien chaleureux avec le monde extérieur. J'espère que nous pourrons tous nous revoir en personne en 2021.

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