Le radiodiffuseur de service public de Bosnie-Herzégovine menacé de fermeture
30 mars 2022Ce sont au total plus de 800 journalistes et membres du personnel de la BHRT qui risquent de perdre leur emploi, si aucune solution n'est trouvée à la crise financière que traverse l'organisme.
La Fédération Européenne des Journalistes (FEJ), l'Union Européenne de Radio-Télévision (UER) et l'Organisation des Médias du Sud-Est de l'Europe (SEEMO) ont appelé aujourd'hui les autorités bosniennes à prendre immédiatement des mesures pour trouver une solution durable aux difficultés financières de la BHRT et, ce faisant, pour éviter la cessation de ses activités.
La RTRS, radiodiffuseur public de la Republika Srpska, doit 32 millions d'euros à la BHRT et selon la loi, la RTRS devrait prélever un pourcentage des recettes qu’elle perçoit par le biais de la redevance pour les reverser à la BHRT. C'est dans ce contexte qu'un procès oppose actuellement les deux organismes.
Le manque à gagner qui en résulte met la BHRT en mauvaise posture à l'égard notamment des autorités fiscales, et l'empêche d'assumer son rôle majeur dans le paysage audiovisuel national. Pour tenter de stopper l'hémorragie, l'organisme s'est déjà séparé d'un grand nombre d'employé.e.s, principalement dans le secteur des programmes.
Ricardo Gutierrez, secrétaire général de la FEJ, déclare :
"Cette situation est absolument scandaleuse. Malheureusement, si la BHRT devait fermer ses portes, ce sont les journalistes et le public qui en paieraient le prix fort."
Pour Noel Curran, le directeur général de l'UER,
"La cessation des activités d'une institution aussi importante que la BHRT aurait des conséquences directes sur le public, au moment même où l'accès à une information digne de confiance est plus indispensable que jamais. Selon la législation de Bosnie-Herzégovine, l'État est tenu de garantir un financement pérenne aux médias de service public, et doit également veiller à ce qu'ils puissent opérer en toute indépendance."
Oliver Vujovic, secrétaire général du SEEMO, ajoute :
"L'existence de la BHRT est très importante pour le fonctionnement du système démocratique en Bosnie-Herzégovine. Sa disparition laisserait libre cours à la manipulation et renforcerait les pouvoirs de certains hommes d'affaires et figures du monde politique. Elle risquerait aussi de compromettre le processus d'adhésion du pays à l'Union européenne."
La disparition de la BHRT n'est tout simplement pas envisageable, particulièrement à une période où le bon fonctionnement des institutions démocratiques est menacé dans de nombreux pays d'Europe et doit au contraire être renforcé. Dans les moments difficiles, les médias de service public n'ont pas leur pareil pour alimenter le débat démocratique, nourrir la cohésion sociale et soutenir le moral du public.
Selon la BHN, association de journalistes de Bosnie-Herzégovine et membre de la FEJ, 84 reporters de la BHRT ont déjà perdu leur emploi et d’autres ont été informé.e.s que leur contrat ne serait pas renouvelé après le 1er avril.
La FEJ, l'UER et le SEEMO lancent donc un appel au gouvernement et à tous les organes compétents :
- pour trouver dans les plus brefs délais une solution de financement pérenne pour la BHRT ;
- pour combler le déficit lié à l'incapacité de la RTRS, radiodiffuseur public de la Republika Srpska, à reverser à la BHRT le pourcentage de recettes provenant de la redevance perçue au niveau national ;
- et pour garantir la durabilité du financement et l'indépendance des médias de service public.