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Entretien avec Mykola Chernotytskyi, directeur général de l’UA:PBC, Membre ukrainien de l’UER

09 mars 2022
Entretien avec Mykola Chernotytskyi, directeur général de l’UA:PBC, Membre ukrainien de l’UER

Mykola Chernotytskyi a été nommé à la tête du Conseil d’administration de l’UA:PBC il y a moins d’un an. Il dirige une équipe de 4 500 personnes qui s’attache à informer la population ukrainienne sur l’évolution de l’invasion russe. 

Dans un entretien qu’il a accordé le 6 mars à Radka Betcheva, notre responsable des Relations avec les Membres pour l’Europe centrale et orientale, M. Chernotytskyi décrit les conditions dans lesquelles l’UA:PBC poursuit sa mission de service public malgré les difficultés et les risques que cela comporte. Il rappelle aussi l’importance, pour son organisme, de faire partie de la grande famille des radiodiffuseurs de service public.

Question : Comment parvenez-vous à informer la population ukrainienne sur l’évolution de cette guerre ? 

Réponse : Nous faisons actuellement partie d’un grand groupe de médias. Avec One Plus One, Inter, Ukraine, ICTV et la société publique Rada, nous produisons Marathon UA_Razom (Ensemble). Tous les jours, chaque radiodiffuseur produit cinq heures de contenus qui sont retransmis successivement. Nous sommes tous réunis sur une grande chaîne. Nous nous sommes unis pour être plus forts. 

Sur nos chaînes principales (UA PERSHY, UA KULTURA), nous disposons d’un temps de diffusion égal à celui des autres, mais sur nos chaînes régionales, nous produisons et diffusons plus de cinq heures de contenus. 

La semaine dernière, nous avons concentré tous nos efforts sur l’actualité. Nous n’avons rien diffusé d’autre. Nous parlons aussi de la sécurité des personnes en donnant des conseils de survie. Nous disons aux gens que faire en cas de bombardement de leur maison, et nous les tenons à jour sur leur sécurité personnelle.

Question : L’UA:PBC compte 27 chaînes régionales, 36 sites Internet et 100 pages de médias sociaux. Comment allez-vous continuer à gérer votre organisme en l’état actuel des choses ?

Réponse : Nous avons réuni nos chaînes régionales en une seule. C’est la même chose pour nos stations de radio. 

Nous avons également renforcé notre chaîne Telegram. Telegram est une plateforme de messagerie qui remporte un franc succès en Ukraine. Notre chaîne Telegram est en train de prendre une grande ampleur. Avant la guerre, elle recensait 12 000 abonné.e.s. Aujourd’hui, elle en compte 230 000. Elle donne des informations très succinctes, ce qui est extrêmement utile. En un clin d’œil, vous pouvez savoir ce qu’il se passe. Évidemment, notre équipe numérique peut aussi travailler à distance. 

Nous avons deux jeunes dans l’équipe numérique qui gèrent la chaîne Telegram et d’autres questions numériques depuis Kyiv. Certains membres de l’équipe travaillent dans d’autres villes. Tant que nous avons Internet, pas de problème. Mais notre principale préoccupation, c’est la sécurité de notre personnel. Les deux jeunes qui sont à Kyiv, par exemple, ne veulent pas être évacués. Ils disent qu’ils continueront à travailler à Kyiv.

Question : Comment votre personnel parvient-il à vivre et à travailler à Kyiv et dans les autres centres régionaux ? 

Réponse : Ce sont au total 4 500 personnes qui travaillent pour l’UA:PBC. Nous essayons de rester en contact avec chacune d’elles, pour savoir si elles sont en sécurité. Beaucoup travaillent depuis leur domicile, car il est bien trop dangereux de se rendre au bureau, surtout pour les personnes qui se trouvent à Kharkiv et à Tchernihiv. 

L’appartement du voisin du responsable de notre bureau de Kharkiv a été bombardé. Sa famille et lui ont survécu, mais c’est ça notre vie aujourd’hui. À Kharkiv, les gens doivent constamment se réfugier dans des abris anti-bombardement. Certains y ont installé le WiFi et Internet pour pouvoir continuer à travailler.

Nous avons transféré notre siège dans l’ouest de l’Ukraine et nous vivons et travaillons tous ensemble à Lviv. Nous nous réunissons tout le temps, c’est un processus continu. 

Question : Comment l’UA:PBC continue-t-elle à émettre dans ces circonstances difficiles ?

Réponse : Actuellement, nous diffusons par satellite, à la radio et en ligne. 

Il y a quelques jours, les Russes ont essayé de brouiller nos transmissions par satellite et nous avons dû utiliser notre réserve. À Kherson, les Russes ont attaqué la tour de télévision et ont remplacé notre chaîne numérique multiplex par une chaîne russe. Mais l’opérateur de télévision ne peut pas contrôler toute la tour et nous pouvons utiliser certaines parties pour diffuser nos programmes. 

La semaine dernière, les Russes ont bombardé la tour qui se trouve à proximité de notre bureau de Kyiv. Cela a entraîné une rupture de nos programmes pendant deux heures, mais depuis, grâce à la société chargée des aspects techniques des transmissions, nous sommes de nouveau à l’antenne. 

La situation est comparable en ce qui concerne la radio, parce que nous utilisons les mêmes tours pour le signal radio. Hier, par exemple, les Russes ont diffusé sur notre fréquence à Kherson. J’apprécie énormément quand nos collègues d’autres pays captent notre signal et le relayent en Roumanie, en Pologne et ailleurs. C’est formidable et je serais reconnaissant si les stations pouvaient diffuser sur les fréquences AM, qui couvrent une large part de l’Ukraine.

Question : Comment faites-vous pour informer la diaspora ukrainienne ?

Réponse : Nous entretenons de bonnes relations avec la TVP, en Pologne, qui rediffuse nos contenus. La TVP a même été la première à capter et à retransmettre notre signal. Après, il y a eu la RTVSlo, en Slovénie, et la LRT, en Lituanie. La TVP nous a également proposé un de ses studios d’où nous pouvons émettre si nous le souhaitons.

J’espère que nous rentrerons bientôt à Kyiv. Nous voulons tous revenir à Kyiv et commencer à diffuser depuis Kyiv.

Question : Ces derniers jours, qu’est-ce que cela signifie, pour vous et votre équipe, d’appartenir à l’UER et à la communauté des médias de service public ?  

Réponse : J’apprécie énormément le soutien de l’UER. J’apprécie la décision que l’UER a prise d’annuler la participation de la Russie au Concours Eurovision de la Chanson, parce que pour nous, c’est une question de principe. 

J’apprécie aussi beaucoup le soutien en matériel technique. Et les concerts produits par les Membres en soutien à l’Ukraine sont très réconfortants.

Je suis reconnaissant, parce que nous sentons que nous faisons partie d’une communauté. Je suis heureux que l’UA:PBC fasse partie de la famille des médias de service public, une famille unie et dynamique.

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Contact


Claire Rainford

Responsable de la communication institutionnelle

rainford@ebu.ch