Retour à Blogs
BLOGS

Trois étapes pour assurer la visibilité des services de médias d'intérêt général

24 mai 2023
Trois étapes pour assurer la visibilité des services de médias d'intérêt général

L'UE s'est prononcée : les États membres sont habilités à imposer des obligations pour assurer la visibilité des services de médias d’intérêt général, dans le cadre de la directive sur les services de médias audiovisuels (ou « directive SMA »). Selon l'UE, il s'agit de services de médias qui défendent le pluralisme des médias, la liberté d'expression et la diversité culturelle.

Mais cinq ans après l'entrée en vigueur de la directive SMA, l'on ne peut que constater l'absence de règles relatives à la visibilité dans de nombreux États membres. Jusqu’à présent en effet, le public peut avoir du mal à trouver les services de médias d'intérêt général et à y accéder, car les fabricants d'appareils et les fournisseurs d'interfaces ont tendance à promouvoir leurs propres contenus et chaînes, ainsi que ceux de leurs partenaires commerciaux. Cela signifie que le public européen passe à côté des services de médias d'intérêt général et notamment d'informations locales, de contenus de divertissement et des programmes éducatifs. Nous nous devons donc d'être plus ambitieux dans la mise en œuvre des règles relatives à la visibilité.

1) À qui accorder un degré adéquat de visibilité ?

Les États membres doivent définir ce que recouvre la notion de « services de médias d'intérêt général ». Les services d'intérêt général peuvent être définis comme contribuant à la réalisation des objectifs démocratiques et bénéficiant au public par une offre d'informations objectives en provenance de sources diverses, permettant ainsi aux citoyen.ne.s de se forger une opinion indépendante. Toutefois, avec la course à l'audience qui caractérise un marché médiatique fortement concurrentiel, ce sont encore trop souvent des contenus incendiaires, dénués de sens ou insignifiants qui se retrouvent mis en avant.

Les médias audiovisuels publics produisent des services d'intérêt général dans le cadre de la mission qui leur est dévolue et qui consiste à informer, éduquer et divertir le plus grand nombre. Ils doivent donc, de toute évidence, pouvoir bénéficier des règles définissant un degré adéquat de visibilité. De même, les télévisions et les radios commerciales pourraient également être considérées comme des services de médias d'intérêt général du moment qu'elles contribuent à la réalisation d'objectifs d'intérêt public.

2) Qui doit garantir la visibilité ?

Ce sont les fabricants d'appareils et les fournisseurs d'interfaces utilisateurs, qui gèrent et contrôlent désormais l'accès aux services de médias, qui devraient déterminer le degré de visibilité. Or en l'état actuel des choses ces acteurs définissent, selon leurs propres critères

et souvent dans le cadre d'accords commerciaux, quelles applications sont « pré-installées » et quels médias sont mis en avant.

De ce fait, le public se tourne par défaut vers les services des principaux acteurs du marché, dont beaucoup sont intégrés verticalement et donc en mesure de privilégier leur propre contenu par le biais de leurs interfaces propriétaires. Lorsqu'il s'agit de décider du contenu à mettre en avant, une attention privilégiée doit être accordée aux prestataires qui fournissent un contenu d'intérêt général. Ainsi, le public sera mieux à même de trouver et de consulter le contenu le plus intéressant, eu égard à sa participation à la vie en société.

3) Où la visibilité des contenus d'intérêt général est-elle assurée ?

Au sein de l'UE, l'on ne trouve que quelques exemples de règles relatives à la visibilité qui soient déjà en vigueur. Ainsi donc, l'Allemagne et la France ont modernisé leur législation sur les médias en édictant des obligations en matière de visibilité. Dans ces deux pays, il existe désormais une définition des« services de médias d'intérêt général ». L'on peut d'ailleurs constater que les médias audiovisuels de service public, entre autres, y sont reconnus pour le rôle qu'ils jouent dans la formation objective de l'opinion. En Allemagne, les émissions des médias publics doivent s'afficher dès le premier niveau de sélection. En France, les médias publics doivent être mis en avant non seulement sur la page d'accueil, mais aussi dans les recommandations ou les résultats de recherche, même si l'autorité de régulation a encore du travail à fournir sur ce point.

En Italie, la nouvelle loi sur les médias oblige les fabricants d'appareils, les plateformes et les fournisseurs d'interfaces à garantir un degré adéquat de visibilité. L'Italie prépare actuellement des lignes directrices précisant à qui devraient s'appliquer les règles en matière de visibilité, et dans quelles conditions. En Irlande, une nouvelle loi sur les médias permet au régulateur d'imposer des règles en matière de visibilité aux interfaces et plateformes de télévision concernées.

Le Royaume-Uni envisage quant à lui la mise en place d'un nouveau cadre réglementaire qui définirait un système de visibilité applicable à certains services de programmes sur Internet produits par l'audiovisuel public. La visibilité de ces services serait assurée par l'intermédiaire de « services de sélection télévisuelle réglementés ».

Dans l'UE, la législation européenne sur la liberté des médias oblige les États membres à prendre des mesures pour assurer la visibilité des services de médias d'intérêt général. Nous invitons les responsables politiques à ne pas manquer cette occasion de renforcer l'importance qu'ils attachent déjà à l'audiovisuel public

Liens et documents pertinents

Contact


Wouter Gekiere

Responsable de la politique règlementaire européenne

gekiere@ebu.ch